Maurice BOULLE (décédé en octobre 1988)
Hommage de Mme Bernadette Menu1 à Maurice Boulle lors de sa réception au sein de l’A.S.L.A. (Académie des Sciences, Lettres et Arts de l’Ardèche).
1 Egyptologue. Ce texte nous a été communiqué par Elise Boulle, veuve de Maurice.
« Tout d’abord je vous remercie très sincèrement de me faire l’honneur de m’admettre officiellement aujourd’hui au sein de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts de l’Ardèche et de me permettre en cette solennelle occasion de faire l’hommage de mon prédécesseur, Maurice Boulle. Je remercie vivement Madame Élise Boulle qui m’avait accordé un entretien chez elle à Villeneuve-de-Berg le 13 août 2009 et m’avait offert un exemplaire du n°102 des Cahiers de Mémoire d’Ardèche et Temps Présent, paru le 15 mai de la même année et consacré à son mari, Maurice Boulle, le fondateur de la revue. Élise Boulle ne pourra pas nous rejoindre aujourd’hui mais nous savons tous qu’elle est de tout cœur avec nous. Un hommage à Maurice Boulle ne saurait en effet avoir lieu sans qu’y soit associée tout au long, en filigrane, l’évocation de la compagne qui non seulement a partagé sa vie mais aussi son idéal, sa passion d’enseigner et d’éveiller les enfants et adolescents au savoir, tant à l’école qu’au dehors, ainsi que ses goûts pour l’histoire et pour les arts.
Merci à Pierre Ladet, responsable de la revue MATP qui, avant ce rendez-vous, m’avait envoyé les copies des contributions des différents auteurs à ce cahier numéro 102 consacré à Maurice Boulle. Merci aussi à Marie-Jeanne Barth de m’avoir montré à quel point le souvenir de Maurice Boulle est demeuré vivace et reconnaissant chez les anciens élèves du collège de Villeneuve-de-Berg : « Un professeur dont on se souvient toute sa vie », m’a-t-elle dit. Merci à Martine Diersé, sculpteur de grand talent, qui m’a envoyé le très beau texte que Maurice Boulle lui a consacré dans la Revue des Enfants et Amis de Villeneuve-de-Berg. Merci à Évelyne Roche pour m’avoir fait part de ses souvenirs quant aux relations amicales que Maurice Boulle entretenait avec le peintre Shedlin dont il appréciait les paysages forts et rassurants à la fois, certains traités un peu à la Greco.
Je n’ai pas connu personnellement Maurice Boulle. Je l’ai croisé une seule fois, devant l’entrée du cloître de Lavilledieu où se tenait une exposition d’art contemporain à laquelle je me rendais avec Jean Charay. C’est lui qui fit les présentations. Il m’avait souvent parlé de Maurice Boulle de manière élogieuse. J’ai le souvenir bref mais précis d’un homme très présent, ouvert, sympathique et jovial. Plusieurs fois Jean Charay m’avait recommandé d’aller le voir, sachant à l’époque mon intérêt pour l’histoire de l’Ardèche ; malheureusement je reportais toujours cette visite, étant donné mes activités de chercheur dans un domaine assez éloigné géographiquement, et la rencontre n’eut jamais lieu. Aussi suis-je heureuse aujourd’hui de cette occasion qui m’est offerte de combler un peu cette lacune.
Maurice Boulle est né le 5 avril 1928 à Saint-Remèze où il fréquenta l’école primaire. Après des succès au concours des Bourses, au Certificat d’Études Primaires, puis au Brevet Élémentaire, il entra à l’École Normale d’Instituteurs en 1945. La promotion de Maurice Boulle, dont il est major, s’auto-désigne «Les Réintégrés», « sobre justesse historique » comme l’écrit Marguerite Chasson-Présumey, entrée en même temps à l’École Normale de filles, étant donné le contexte à l’issue de la seconde guerre mondiale et après le régime de Vichy qui avait supprimé les Écoles Normales d’Instituteurs. L’ambiance était à l’étude, à la lecture, à la rencontre de la culture sous toutes ses formes, à la soif de savoir.
Citons Marguerite Chasson-Présumey : « Maurice était un avaleur de savoirs. Il était friand de tout et il y avait chez lui une anxiété à « perdre du temps », à faire autre chose qu’apprendre. Même les arts, la peinture surtout, il les engrangeait avant d’en jouir. Il était toujours dans l’approfondissement des connaissances. Et cependant il partageait. Nous avons chanté ensemble, et avec d’autres, Prévert et Kosma. Nous avons chanté « Démons et merveilles, vents et marées » et « Les feuilles mortes » mais aussi des gospels bien avant qu’ils ne deviennent à la mode, des cantiques et des chants révolutionnaires, et le vieux répertoire des E[coles] N[ormales] d’antan. Il me passa Camus, Noces cette année-là. Je lui passais Vercors et Victor Serge, S’il est minuit dans le siècle. Il avait lu beaucoup d’historiens. En vrac, ma mémoire me restitue Albert Soboul, Michelet, Politzer. Il savait qui était Marc Bloch. Il allait lire Lénine et Trotsky. Nous échangions des livres comme nous échangions nos cahiers personnels de lectures choisies dits « Cahiers de poésie ». Il y avait là-dedans Baudelaire, Rimbaud, Jules Laforgue mais aussi Pierre Jean Jouve (Le combat de Tancrède et Clorindre). Peu de Victor Hugo. L’autre ami Maurice, lui aussi disparu, y ajoutant souvent Verlaine et les surréalistes. [MATP 102, p. 7]
Maurice Boulle fut élève de l’École Normale de Privas de 1945 à 1949 où il passa le baccalauréat et suivit la formation professionnelle, puis il effectua son service militaire en 1951 et, après avoir enseigné à Saint Pierre-de-Colombier, à Genestelle, au cours complémentaire de Largentière, il devient professeur d’enseignement général (français, histoire, géographie) au Collège de Villeneuve-de-Berg ; il y restera jusqu’en 1983. Élise Boulle était en charge des classes de 6e et 5e, Maurice Boulle, de celles de 4e et 3e. Grâce au couple, le collège obtenait un taux record de succès au BEPC. Maurice Boulle fut un enseignant hors pair mais son activité ne s’arrêta pas là. Il s’est beaucoup investi dans l’éducation populaire, dans l’organisation de colonies et de camps de vacances où il introduisit la mixité sociale et sexuelle, dans toutes sortes d’engagements bénévoles, dans l’activité éditoriale au sein de deux excellentes revues, la Revue des Enfants et Amis de Villeneuve de Berg et Mémoire d’Ardèche et Temps présent. Il avait la passion de l’histoire, tant comme passeur de mémoire que comme auteur d’ouvrages consacrés à des épisodes importants de l’histoire ardéchoise. Le dossier établi par la classe de 4e du Collège de Villeneuve-de-Berg en 1977 sur la Grange de Berg est exemplaire. Il comporte une approche archéologique et architecturale du site, puis l’historique du lieu, débouchant sur la mise en évidence de l’importance des ordres religieux en Vivarais au Moyen Âge, la Grange de Berg ayant été fondée par les moines cisterciens de l’abbaye de Mazan. Maurice Boulle était aussi un amateur d’arts, une personne engagée, un militant d’une laïcité ouverte. Agnostique, il était un chercheur de sens. Il était pleinement un citoyen, un Républicain convaincu.
Je vais revenir maintenant sur différents aspects de la personnalité de Maurice Boulle, en commençant bien sûr par cette vocation admirable qui le portait, comme me l’avait dit Élise Boulle, à mener chaque élève jusqu’à son maximum, à offrir à tous l’accès à la culture et à leur transmettre l’amour des livres. Claudette Pradal a dressé un portrait très sensible de l’enseignant Maurice Boulle dans le Cahier MATP 102, p. 9-13. Cette vocation de la pédagogie a très vite franchi les murs de l’école pour se manifester dans des soirées d’animation, des sorties nature, des échanges de classes, par exemple entre l’Ardèche et la Savoie, les jeunes ardéchois apprenant à skier et les jeunes savoyards à pratiquer le kayak. Ces échanges comportaient aussi bien sûr des sorties culturelles. De 1947 à 1963 Maurice Boulle anima puis dirigea camps et colonies de vacances, notamment à Saint-Martin-d’Ardèche où il dirigeait un camp d’adolescents venus de tous les départements de France, à raison de deux sessions par été, dont il rend compte d’une manière détaillée dans un numéro datant de 1962 de la revue Envol2.
2 Revue Envol : revue publiée par la F.O.L. (Fédération des Œuvres Laïques) de l’Ardèche.
Après la classe, Maurice Boulle jouait au volley avec les internes. Maurice et Élise s’investissaient beaucoup. Comme me l’a dit Marie-Jeanne Barth, « ils vivaient par et pour les élèves ». À la retraite, Maurice Boulle continua à animer des soirées, à donner l’envie de lire, de se cultiver. Ses méthodes d’enseignement passaient d’abord par un grand souci de clarté. Expliquer toujours. Approfondir par des connaissances poussées, par une vaste documentation puisée dans les livres. Maurice et Élise Boulle étaient si passionnés par l’enseignement qu’ils ont transmis leur vocation à beaucoup de leurs élèves.
Un peu plus tard, étant retraité, dans une de ces soirées qu’il animait, Maurice Boulle déclara à son auditoire que son rêve était d’aller en Bretagne, ce qui surprit très fort ses anciens élèves ! Son enseignement de la géographie était si vivant et si documenté que ses jeunes auditeurs étaient persuadés qu’il avait beaucoup voyagé, alors qu’il semble avoir très peu quitté l’Ardèche.
Avant d’être un historien, Maurice Boulle a donc été un pédagogue et c’est dans la recherche de documents pour les élèves de sa classe qu’il s’est initié au travail de l’historien. Voici comment celui-ci est décrit par Jean-Louis Issartel :
Sa démarche, associée à ce souci de pédagogie, est beaucoup plus liée au pragmatisme qu’à une conceptualisation désincarnée de modèles historiques. Elle place le document au cœur des interrogations. Mais le document n’est pas seulement livré brut ou donné comme illustration d’un propos. Le voici questionné avec méthode, daté, replacé dans son contexte, identifié avec précision, analysé, disséqué, éclairé… Il suffit pour s’en convaincre de feuilleter ses nombreuses productions non seulement dans les revues auxquelles il a contribué, mais aussi dans un ouvrage comme Révoltes et Espoirs en Vivarais. Humilité de l’historien devant le fait, voilà ce qui caractérise l’approche de Maurice, qui ne comptait pas les heures et les jours passés aux Archives départementales de l’Ardèche. En second lieu, sans prétendre atteindre tous les objectifs d’une histoire totale, l’œuvre de Maurice Boulle se place bien dans la tradition des Annales, ne se contentant pas d’explorer la sphère du politique et des élites, mais s’interrogeant sur les questions pratiques du quotidien, l’état des chemins et des rivières, l’impact des intempéries, la forêt asile, les conditions de vie du petit peuple, décrivant aussi bien le règlement intérieur d’une coopérative viticole, ou le budget de Villeneuve-de-Berg sous Louis XIV, que les espoirs et les combats des plus humbles, voire des exclus et des marginaux promis parfois à la prison et au gibet. Surtout, Maurice n’a pas éludé la sphère des mentalités, explorant, lui, le laïque, sans détour et sans complexe, le fait religieux si prégnant dans le passé de ce pays. Il n’a pas échappé non plus au courant qui, au tournant des années 80-90, celles du retour de l’individualisme, a braqué le projecteur de l’histoire sur certains personnages et fait de l’étude de parcours individuels un genre particulièrement prisé. Mais même si le déploiement de cette quête tous azimuts doit beaucoup aux impératifs de production des revues qu’il animait, c’est bien sa recherche d’une approche globale des sociétés du passé qui le rendait si disponible. Enfin, le regard qu’il nous donne de ce passé est profondément humain, connecté à l’époque décrite, mais un regard qui reste lucide. L’histoire est bien une science humaine, mais pour Maurice Boulle c’est une science avant tout. Une science à mettre à la portée de tous. [MATP 102, p. 33-34]
C’est de cette démarche que procéda la grande place qu’il occupa dans la Revue de Villeneuve-de-Berg et dans Mémoire d’Ardèche et Temps Présent où il multipliait les recensions d’ouvrages historiques. Afin de se rapprocher du public, il publia un grand nombre d’articles et prononça de nombreuses conférences. Il a participé aussi à plusieurs colloques : Chirols, en 1987 sur les Villages en Vivarais, Villeneuve-de-Berg, en1989, à l’occasion du Bicentenaire de la Révolution française, Privas, en 1994 pour le cinquantième anniversaire de la Libération, enfin le colloque de Vals-les-Bains sur Cîteaux, organisé par la Revue du Vivarais, quelques jours avant sa disparition en octobre 1998. Responsable de la Revue de Villeneuve-de-Berg dont il assura la parution annuelle sur 18 numéros, il y réalisa avec la collaboration de son épouse en 1984 un magnifique numéro spécial pour le 7e centenaire de la fondation de Villeneuve : Les grandes heures du bailliage et de la Sénéchaussée du Bas-Vivarais, qui comporte plus de 300 pages. Ses deux ouvrages majeurs sont celui que je viens de mentionner et Révoltes et espoirs du Vivarais, édité en 1988 par la Fédération des œuvres Laïques, avec la collaboration de MATP.
Concernant les grands axes de la recherche historique de Maurice Boulle, je reprends la contribution de Jean-Louis Issartel :
« Premier axe de recherche, au début des années 80, aux approches du 700e anniversaire de la fondation de Villeneuve-de-Berg, sa commune de résidence, ce sont ses travaux sur la création de la bastide royale qui en ont fait le spécialiste que l’on connaît de l’histoire locale de sa ville, et au-delà de celle du Vivarais. C’est sur ce terrain qu’il s’initie au travail d’historien. Olivier de Serres, les arcanes de la justice royale et le monde des robins lui deviennent bientôt familiers. À la fin de sa vie, revenant sur le sentier de ses débuts, sa dernière communication au colloque sur Cîteaux porte sur le rôle des Cisterciens de Mazan dans la fondation de Villeneuve-de-Berg en 1284. Deuxième axe de recherche, ce sont ses travaux sur le protestantisme, initiés au milieu des années 80 par le souvenir de la Révocation de l’Édit de Nantes de 1685. Le passé protestant de Villeneuve-de-Berg lui donne matière à travailler. Et c’est ainsi que, de fil en aiguille, il s’émancipe de l’histoire locale pour devenir l’un des grands spécialistes de l’histoire huguenote avec la mise en valeur du personnage d’Antoine Court et du rôle fondamental joué par ce dernier. Ses travaux lui valent d’être reconnu bien au-delà des limites du département, et d’être sollicité par le Rectorat de Grenoble pour son bulletin de l’Information régionale, ainsi que par des universitaires comme Pierre Bolle. Troisième axe de recherche, ce sont, à l’approche de la célébration du bicentenaire de la Révolution Française, ses contributions à la connaissance de l’événement, avec bien sûr son tableau magistral de la situation du Vivarais à la veille de la Révolution, mais aussi ses analyses sur Delichères et les débuts de la Révolution en Ardèche, sur la société populaire de Villeneuve-de-Berg, sur la Révolution à Lavilledieu, sur la réaction thermidorienne dans le sud du département… C’est aussi sur ce terrain qu’il déploie toutes ses qualités d’organisateur et d’entraîneur d’équipes lancées dans un formidable élan de recherches collectives. Enfin, quatrième axe de recherche, ce sont, à l’occasion de la préparation de la célébration du cinquantième anniversaire de la Libération, ses contributions à la connaissance du second conflit mondial en Ardèche, avec notamment la mise en valeur brillante des parcours croisés de deux parlementaires ardéchois : Edouard Froment et Xavier Vallat. Je rappellerai que traiter un sujet comme celui de Xavier Vallat en 1994 n’était particulièrement facile dans ce département où l’ancien commissaire aux affaires juives avait conservé de nombreuses relations jusqu’à sa mort. [MATP 102, p. 35-36]
Plutôt qu’à des périodes historiques bien définies, c’est à des faits sociaux majeurs que Maurice Boulle s’est intéressé : l’ordre de Cîteaux, le protestantisme et certaines de ses figures marquantes en Ardèche (Olivier de Serres, Antoine Court), les révoltes villageoises, la justice de l’Ancien Régime, la Révolution française et ses prémisses, la Libération, la Résistance et la Déportation, l’histoire économique et sociale de l’Ardèche restant bien sûr son sujet de prédilection. Maurice Boulle avait une attirance pour le bien, le bon, le beau, comme disaient les philosophes grecs et comme on le disait bien avant eux dans l’antiquité égyptienne. Son amitié avec les peintres, notamment Petit-Lorraine et Shedlin, son entretien avec Martine Diersé publié dans la Revue des Enfants et Amis de Villeneuve de Berg en 1998, témoignent d’une grande sensibilité artistique, d’un intérêt profond et d’un goût très sûr dans le domaine des arts plastiques auxquels il initiait les élèves en leur faisant visiter des expositions.
Maurice Boulle s’est intéressé à d’autres formes d’art : la photographie, le théâtre qu’il faisait découvrir à ses élèves lors des tournées des spectacles de la Comédie de Saint-Étienne qui passaient par Aubenas. Il organise pour eux plusieurs sorties annuelles au Théâtre de Privas et devient un fidèle du Festival d’Avignon. De 1953 à 1958, à Largentière, il effectue avec un collègue instituteur des tournées de projections de films dans les écoles des environs. Enfin, en 1977, il fait partie, aux côtés de son ancien élève, Jean-Marie Barbe, de l’équipe à l’origine du festival de Lussas. La musique l’attire également et, toujours dans le souci de partage avec ses élèves, il leur apprend la flûte à bec. Je m’arrêterai sur quelques phrases écrites par Gilbert Auzias sur « Maurice Boulle, le laïque » dans le Cahier MATP 102, p. 27 :
Il mettait tranquillement en actes l’éducation populaire, avec la complicité discrète et revigorante du directeur du collège, Georges Leynaud, à qui, aussi, la F. O. L. doit tant. La culture générale, tout simplement, à laquelle ils tenaient tous les deux, comme à la prunelle de leurs yeux. Fidèles à leurs origines humbles, ils se gardaient bien d’oublier ce qu’ils devaient à l’école publique. Inestimable, elle leur avait ouvert les yeux. Maurice Boulle mit rapidement sa plume à la disposition du journal Envol, créé en janvier 1948. Ses contributions y furent nombreuses et éclectiques. Elise en a subtilement retiré la substantifique moelle. La sélection de textes qu’elle présente, ici, éclaire les facettes de l’humaniste, du laïque qu’était Maurice Boulle ; il était convaincu que la vertu se trouvait au milieu du gué, sans pour autant négliger les rives qui, si souvent, nous enserrent.
Ce passage résonne en moi alors que je suis en train de terminer un article novateur sur le principe de maât qui a guidé les anciens Égyptiens pendant plus de trois millénaires, de ca. 3100 à l’arrivée du christianisme. Ce principe d’ordre, d’harmonie, de justice et d’équité dont dépend la vie a inspiré Aristote dans sa conception de la justice universelle et du « juste milieu ». J’oserai dire que Maurice Boulle était conforme à la maât, un maâty, et, en conclusion, je dirai simplement que Maurice Boulle fut un parfait humaniste et que c’est cette qualité essentielle qu’il a mise au service de ses diverses activités :
Maurice Boulle ne savait que s’investir à fond dans ce qu’il entreprenait. Ses activités, ses engagements étaient, bien sûr, basés sur ses goûts personnels, mais aussi sur son intérêt pour le patrimoine local, sur son désir de participer à la vie sociale de Villeneuve-de-Berg et sur ses convictions : attachement à l’école laïque, égalité des chances donnée à chaque enfant, accès à la culture pour le plus grand nombre et profond respect des Droits de l’Homme. [MATP 102, p. 4]